Locations touristiques : les propriétaires fraudeurs ont des moyens de se défendre

Le gouvernement a mis en place des sanctions de plus en plus fortes pour les propriétaires qui ne respectent pas les règles de location courte durée, notamment à Paris. Mais ces propriétaires indélicats ont des moyens de se défendre et d’écoper d’une amende réduite.

Ce n’est nouveau, les locations touristiques sont dans le collimateur des pouvoirs publics et de la Mairie de Paris.

Le gouvernement a renforcé l’encadrement de ce secteur de l’économie collaborative avec des sanctions de plus en plus fortes pour les fraudeurs.

A Paris, près de 2,1 millions d’euros d’amendes ont été infligés aux loueurs de meublés illégaux pour l’année 2018 (contre 1,3 M€ en 2017). SOURCE LE FIGARO

Mais il est possible pour les propriétaires indélicats de se défendre et de tenter d’obtenir une condamnation à une amende réduite voire symbolique.

La loi ALUR n°2014-366 du 24 mars 2014 a ajouté un dernier alinéa à l’article L 631-7 du Code de la Construction et de l’Habitation selon lequel :

« Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article ».

Autrement dit, ces locations « répétées » de courtes durées sont alors considérées comme destinées à un usage hôtelier et non plus à un usage d’habitation.

Ce changement d’usage nécessite alors une autorisation préalable de l’administration afin que le lot d’habitation devienne un lot commercial.

A Paris, cette autorisation (de la Mairie de Paris) est quasiment impossible à obtenir notamment à l’ouest et au centre puisque le propriétaire souhaitant louer son bien sur internet doit impérativement présenter au soutien de son dossier, en compensation, un bien d’activité d’une surface équivalente ou du double dans le même arrondissement et s’engager à le transformer en local d’habitation…

La municipalité impose d’acheter des « droits de commercialité » pour compenser le changement d’usage.

Obtenir ce changement d’usage est donc très complexe et coûteux ce qui incite un certain nombre de propriétaires à frauder.

En vertu de l’article 59 de la loi n° 2016-1547 entrée en vigueur le 20 novembre 2016, l’article L 651-2 du code de la construction et de l’habitation a été modifié comme suit :

« Toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 € par local irrégulièrement transformé.

Cette amende est prononcée par le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’Agence nationale de l’habitat et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l’amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal de grande instance compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local.

Sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’Agence nationale de l’habitat, le président du tribunal ordonne le retour à l’usage d’habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu’il fixe. A l’expiration de celui ci, il prononce une astreinte d’un montant maximal de 1 000 € par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé. »

La Mairie de Paris multiplie actuellement les procédures contre les propriétaires soupçonnés de fraude à la réglementation sur le changement d’usage.

La procédure est toujours la même et très rapide.

D’abord, les services de la mairie de Paris adressent une lettre recommandée avec demande d’avis de réception au propriétaire afin d’organiser une visite des lieux.

Puis un agent assermenté de la Ville de Paris se présente, en présence du propriétaire et procède à une visite du logement. Le contrôleur sollicite du propriétaire qu’il lui communique un certain nombre d’informations et de documents notamment l’historique des réservations des douze derniers mois.

L’agent établit ensuite un constat d’infraction en général dans les quinze jours de la visite.

Ce procès-verbal d’infraction reprend :

-Les recherches de l’annonce du site internet de réservation avec des captures d’écran sur les différents sites (Airbnb, TripAdvisor etc…)
-Les dates et le calendrier de disponibilité du bien
-Les commentaires laissés par les touristes
-Les déclarations du propriétaire
-La nature de l’occupation : éléments de preuve de la résidence secondaire
-Courriers adressés au propriétaire par la Ville

Dans la foulée, sur le fondement de ce procès-verbal, la Mairie de Paris assigne le propriétaire devant le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris statuant en la forme des référés afin de juger qu’il a enfreint les dispositions de l’article L 631-7 du code de la Construction et de l’habitation.

A noter que les Avocats de la Ville de Paris sollicitent systématiquement dans leurs assignations la condamnation du fraudeur au montant maximum de l’amende civile soit 50.000 €.

L’audience est fixée en urgence et dans un délai très bref de quelques semaines, en moyenne dans les trois mois de la visite du contrôleur.

Le propriétaire peut se défendre seul mais a grandement intérêt à solliciter l’assistance d’un Avocat qui pourra prendre des conclusions en défense.

Certains dossiers peuvent d’ailleurs assez facilement être défendus notamment quand la Ville n’apporte pas la preuve que le local est à usage d’habitation, ce qui est assez fréquemment le cas.

Pour les autres dossiers, il faut plaider sur le quantum de la peine et solliciter le caractère disproportionné de l’amende sollicitée par la Mairie.

En effet, l’amende civile est une sanction ayant le caractère d’une punition, même lorsqu’elle n’est pas prononcée par une juridiction répressive, de sorte qu’elle est susceptible d’être confrontée au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines.

Il s’ensuit que son infliction doit respecter, en toutes matières, les exigences des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789, et notamment le principe de personnalité des peines, qui a valeur constitutionnelle et s’étend à toute sanction ayant le caractère d’une sanction.

La jurisprudence récente de la Cour d’Appel de Paris dégage une véritable exigence de proportionnalité de l’amende.

Le juge dispose d’une importante marge de manœuvre dans la fixation de l’amende et son montant doit être proportionné à celui du profit dégagé par la location et la bonne foi du loueur contribue à la minorer.

Le juge tient donc compte de la bonne foi du propriétaire (CA Paris 15 juin 2017 N° 16/05106).

Ainsi, le propriétaire peut se défendre en faisant valoir qu’il a spontanément collaboré en laissant le contrôleur visiter l’appartement litigieux et qu’il a communiqué les documents sollicités. Il pourra notamment utilement faire valoir qu’il a remis l’appartement à la location traditionnelle.

L’amende doit être proportionnée au profit dégagé par la location et aux investissements réalisés.

Le propriétaire peut donc utilement faire valoir les investissements qu’il a réalisés dans le local (factures de travaux etc) au regard des gains réalisés (CA Paris 8 nov. 2018 N° 18/04225).

C’est la raison pour laquelle les condamnations à l’amende maximum de 50.000 € sont très rares, l’enquête du FIGARO révèle en effet que seules six condamnations ont été prononcées par les tribunaux…

A suivre !




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Maître Rossi-Landi a écrit également de nombreux articles où il donne des conseils pratiques en droit immobilier.

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